Page:Doyle - Les Réfugiés.djvu/268

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mêlaient le respect et le dégoût. Très bien, l’abbé, ajouta-t-il à haute voix, vous irez dans les Cévennes.

Peut-être en cet instant le farouche prêtre eut-il quelque pressentiment de ce terrible matin où, affaissé dans un coin de sa maison enflammée, cinquante poignards se heurtèrent l’un contre l’autre dans son corps. Il se cacha la tête dans les mains et un tremblement le secoua tout entier. Puis il se releva et, croisant les bras, il reprit son attitude impassible. Louis prit la plume et attira vers lui le papier.

— Vous êtes donc tous du même avis, dit-il ; vous, l’évêque ; vous, mon père ; vous, Madame ; vous, l’abbé, et vous, Louvois. — Si je fais mal que le Ciel ne m’en fasse pas porter la peine. Mais qu’est-ce encore ?

Catinat avait fait un pas en avant, les mains tendues. Sa nature ardente et impétueuse lui fit soudain oublier qu’il n’était qu’un humble sujet ; il vit devant lui des foules innombrables d’hommes, de femmes, d’enfants de sa propre religion, tous incapables de dire un mot pour leur défense, et tournant les yeux vers lui comme vers leur seul protecteur et avocat :

— Ne signez pas, Sire ! s’écria-t-il. Vous vivrez pour souhaiter que votre main se fût desséchée avant d’avoir saisi cette plume. Je le sais, Sire, j’en suis sûr. Considérez, Sire, ces gens sans défense, les petits enfants, les jeunes filles, les vieillards et les faibles. Leur foi c’est leur vie même.