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fisant pour une soirée de travail. Il remit le tout dans sa poche, alluma une cigarette et se remit en route, de l’air d’un homme affranchi de tout souci.

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Dans la matinée du lundi qui suivit ce dimanche mouvementé, sir Henri Hailworthy, de Walcot Old Place, ayant achevé sans hâte son petit déjeuner, passa dans son cabinet de travail pour y écrire quelques lettres, avant de se rendre au tribunal du comté où il siégeait comme délégué en second. Baronnet d’ancien lignage, magistrat, ayant dix ans de carrière, sir Henry était surtout réputé comme un excellent éleveur de chevaux et le plus intrépide cavalier de tout le Weald. Grand, élancé, rasé de près, le visage énergique, d’épais sourcils noirs, une mâchoire résolue, il était de ces hommes qu’on aime mieux avoir pour amis que pour ennemis. Bien que frisant la quarantaine, on ne se fût point avisé qu’il eût passé la première jeunesse si la nature capricieuse n’avait planté au-dessus de son oreille droite une mince touffe de poils blancs qui accusaient par le contraste, le noir de ses cheveux abondants et bouclés. Il semblait préoccupé ce matin-là, car, sa pipe, allumée, s’étant assis à son bureau devant son papier blanc, il demeura plongé dans une rêverie profonde.

Mais il fut soudain ramené à lui. Derrière les lauriers bordant la courbe de l’avenue, un bruit sourd se faisait entendre qui, s’enflant et se précisant, devint le fracas reconnaissable d’une auto d’ancien modèle ; et bientôt apparaissait une Wolseley primitive, que pilotait un jeune homme au teint rose, à la moustache blonde. À cette vue, sir Henry se dressa comme en sursaut, puis il se rassit, pour se relever un instant plus tard quand le valet de pied annonça M. Ronald Barker. L’amitié qui liait les deux hommes suffisait à justifier cette visite matinale. Chasseurs endurcis, cavaliers consommés, fanatiques du billard l’un et l’autre, la communauté des goûts avait créé entre eux une association étroite,