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INTRODUCTION

sentir l’inanité d’une pareille preuve, et le général de Pellieux, dans le procès Zola, a cru devoir nous rassurer.

Il a admis que l’on pouvait bien n’avoir encore aucune preuve certaine de la culpabilité au moment du verdict de 1894 ; mais il a ajouté que cette preuve était arrivée deux ans plus tard, au Ministère, en novembre 1896.

Quelle est donc cette révélation confidentielle qui serait venue, après coup, montrer qu’on n’avait à redouter aucune erreur ?

Il s’agirait, d’après l’honorable général, d’un bout de lettre non signée, mais accompagnée d’une carte de visite, dans laquelle un des deux attachés militaires des ambassades d’Allemagne et d’Italie aurait, à la veille de l’interpellation Castelin, conseillé à son camarade de ne pas dire un mot de « cette juiverie. »

« Cette juiverie » aurait indiqué Dreyfus, sur lequel il fallait faire le silence.

Que l’État-Major ait pris au sérieux cette note informe, quand elle lui est arrivée par le service de l’espionnage, il faut bien l’admettre, puisqu’il l’invoque comme son plus précieux argument ; mais, en vérité, il faut qu’il y ait bien peu réfléchi et son esprit critique s’est singulièrement trouvé en défaut.

Les faux papiers Norton, les faux documents Lemercier-Picard auraient semblé authentiques auprès de ce Mémorandum inouï, ridicule, invraisemblable, attribué à un officier d’ambassade : « Nous ne dirons pas un mot de cette juiverie ! »

Comment n’a-t-on pas vu qu’il y avait là manifestement une de ces inventions nombreuses à l’aide desquelles un habile faussaire a cherché à dérouter