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INTRODUCTION

la justice depuis que le commandant Esterhazy s’est vu sérieusement soupçonné ? Tout n’en montre-t-il pas le caractère apocryphe ?

Quel besoin, d’abord, MM. de Schwartzkoppen et Panizzardi auraient-ils eu de s’exhorter au silence en 1896, quand, depuis 1894, ils se taisaient d’un commun accord ?

Quelle idée les aurait pris de s’écrire pour se donner un mot d’ordre qu’il était au moins imprudent de mettre à la portée d’une main indiscrète ? Ils se voyaient tous les jours, et souvent plusieurs fois par jour.

De quelles expressions, enfin, se seraient-ils servis pour donner leur avertissement ?

Est-ce que le terme « cette juiverie » ne sort pas de la vraisemblance, et répond-il à l’esprit de réserve auquel deux officiers diplomates doivent être accoutumés ?

« Cela flaire le faux, » avait dit immédiatement le lieutenant-colonel Picquart, qui avait compris que, en cherchant à compromettre un peu plus Dreyfus, quelqu’un, facile à reconnaître, cherchait à entraver l’enquête ouverte sur le compte d’Esterhazy. Et, après le colonel Picquart, tous ceux qui savent peser d’une main exercée la valeur probante d’un acte dont l’origine est incertaine, répètent sans hésiter : « C’est un faux ! »

Voilà donc à quoi se réduisent les preuves mystérieuses sur lesquelles on voulait étayer l’œuvre du Conseil de guerre : quelques fragments, sans authenticité, de correspondance, remis on ne sait par qui au bureau des renseignements de l’État-Major, d’origine louche pour les uns et sans applicabilité