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LE CAPITAINE DREYFUS

père, innocent d’un crime aussi abominable… Ma gorge se serre, les sanglots m’étouffent, mes mains se tordent de douleur de ne rien pouvoir faire pour eux, pour toi… que de lutter pour vivre, depuis si longtemps, dans une situation pareille.

Je ne puis donc, chère Lucie, que te redire : Courage et volonté, activité aussi, car les forces humaines ont des limites !

D’ailleurs, je t’ai écrit de très longues lettres par le précédent courrier, j’ai écrit aussi à tes chers parents, à mes frères et sœurs. J’espère qu’elles auront encore enhardi vos courages, animé vos âmes du feu qui consume la mienne, qui me donne encore la force de tenir debout.

Tu me dis aussi que tu as de bonnes raisons de croire que cette atroce situation ne sera plus de longue durée. Ah ! je souhaite de toute mon âme que cette fois ton espoir ne soit pas trompé, que tu puisses bientôt m’annoncer quelque chose de certain, de positif, car c’est vraiment trop souffrir !

Que puis-je ajouter, ma chère Lucie ? Les heures pour moi se ressemblent dans leur atrocité, ne vivant que par ta pensée, celle des enfants, dans l’attente d’un dénouement, d’une situation qui n’a déjà que trop duré.

Je t’embrasse de tout cœur, comme je t’aime, ainsi que nos chers enfants, en attendant que j’aie le bonheur de recevoir tes chères lettres, toujours si impatiemment attendues.

Ton dévoué,

Alfred.

Baisers à tous

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