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LE CAPITAINE DREYFUS

la douleur, ne recevant pas ton courrier, il a fallu que je te jette mes cris de douleur que je ne pouvais exhaler ailleurs.

Je me ressaisis d’ailleurs, je suis redevenu ce que j’étais, ce que je resterai jusqu’au dernier souffle.

Comme je te l’ai dit dans ma lettre d’avant-hier, il faut que, forts de nos consciences, nous nous élevions au-dessus de tout, mais avec cette volonté ferme, inflexible de faire éclater mon innocence aux yeux de la France entière.

Il faut que notre nom sorte de cette horrible aventure tel qu’il était quand on l’y a fait entrer ; il faut que nos enfants entrent dans la vie la tête haute et fière.

Quant aux conseils que je puis te donner, que je t’ai développés dans mes lettres précédentes, tu dois bien comprendre que les seuls conseils que je puisse te donner sont ceux que me suggère mon cœur. Tu es, vous êtes tous mieux placés, mieux conseillés, pour savoir ce que vous avez à faire.

Je souhaite avec toi que cette situation atroce ne tarde pas trop à s’éclaircir, que nos souffrances à tous aient bientôt un terme. Quoiqu’il en soit, il faut avoir cette foi, qui fait diminuer toutes les souffrances, surmonter toutes les douleurs, pour arriver à rendre à nos enfants un nom sans tache, un nom respecté.

Je t’embrasse comme je t’aime, de toutes mes forces, de tout mon cœur, ainsi que nos chers et adorés enfants.

Alfred.
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