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LE CAPITAINE DREYFUS

Mais quoiqu’il en soit de moi, je veux te répéter de toute mon âme, courage et foi !

Je t’embrasse comme je t’aime, de toute la puissance de mon affection, ainsi que nos chers petits

Ton dévoué,

Alfred.

Baisers à tes chers parents, à tous les nôtres.

————
Le 20 février 1897.
Ma chère Lucie,

Je t’ai encore écrit de nombreuses lettres dans ces derniers mois et je me répète toujours. C’est que, si les souffrances s’accroissent, si les nausées deviennent presque insurmontables, les sentiments qui règnent dans mon âme, qui doivent régner dans la tienne, dans les vôtres à tous, sont invariables.

Je ne t’écrirai donc pas longuement. Ah ! ce n’est pas que ma pensée ne soit pas avec toi, avec nos enfants, nuit et jour, puisque cela seul me fait vivre ; il n’y a pas d’instant où je ne te parle mentalement, mais devant l’horreur tragique d’une situation aussi épouvantable, supportée depuis si longtemps, devant nos atroces souffrances à tous, les mots n’ont plus aucun sens, il n’y a plus rien à dire. Il n’y a qu’un devoir à remplir, pour vous tous, invariable, immuable.

Je t’ai d’ailleurs donné tous les conseils que mon cœur a pu me suggérer.

Je ne puis que souhaiter d’entendre bientôt une parole humaine, qui vienne mettre un léger baume