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LETTRES D’UN INNOCENT

sur une si profonde blessure, raffermir le cœur, le cerveau si épuisés.

Mais quoiqu’il en soit, je tiens à te répéter toujours, de toutes les forces de mon âme, courage et courage ! Nos enfants, ton devoir, sont pour toi des soutiens qu’aucune douleur humaine ne saurait ébranler.

Je veux donc simplement, en attendant tes chères lettres, t’envoyer l’écho de ma profonde affection, t’embrasser de tout mon cœur, comme je t’aime, ainsi que nos chers et adorés enfants.

Ton dévoué,

Alfred.

Mes meilleurs baisers à tes parents, à tous les nôtres. Je n’ai pas besoin de leur écrire, nos cœurs à tous vibrent à l’unisson.

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Le 5 mars 1897.
Ma chère et bonne Lucie,

Je t’ai écrit quelques lignes le 20 février, en attendant tes chères lettres qui ne me sont pas encore parvenues. Je viens d’ailleurs d’apprendre que, par suite d’une avarie de machine, le paquebot n’était pas encore arrivé à la Guyane.

Comme je te l’ai dit dans ma dernière lettre, nous savons trop bien les uns et les autres, quelle est l’horrible acuité de nos souffrances pour qu’il soit utile d’en parler.

Mais ce dont je voudrais imprégner ce froid et banal papier, c’est de tout ce que mon cœur contient pour toi, pour nos enfants. À tout instant du jour et de la nuit, tu peux te dire que ma pensée est avec eux,