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LE CAPITAINE DREYFUS

pas savoir d’abord l’affection intense qui nous unit, ensuite la douleur profonde qui emplit nos âmes. Mais pour tous, invariablement, toujours courage ! Comme le dit si bien M…, il y a un but à atteindre, devant lequel il faut oublier toutes les douleurs présentes quelles qu’elles soient.

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Le 20 mai 1897.
Ma chère Lucie,

Bien souvent j’ai pris la plume pour causer avec toi, détendre mon cœur broyé et brisé auprès du tien… ; mais chaque fois les cris de notre douleur commune jaillissaient malgré moi.

À quoi bon ? Devant un pareil martyre, devant de telles souffrances, le silence s’impose pour moi.

Ce que je veux te répéter simplement, c’est ce cri toujours ardent, invariable de mon âme : courage et courage ! Devant le but à atteindre tu ne dois compter ni avec le temps, ni avec les souffrances ; il faut attendre avec confiance qu’il soit atteint.

Je t’embrasse comme je t’aime, de toute la puissance de mon affection, ainsi que nos chers et adorés enfants.

Ton dévoué,

Alfred.

Mes meilleurs baisers à tes chers parents, à tous les nôtres.

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