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LETTRES D’UN INNOCENT

des belles âmes, oh ! ma chérie, la tienne est une des plus belles et des plus nobles qu’il soit possible de rêver.

Tu remercieras M… de ses quelques mots. Tout ce que je pourrais lui dire est dans ton cœur comme dans le mien.

Donc, ma chérie, toujours et encore courage, comme je te l’ai dit avant mon départ de France, il y a longtemps, hélas ! bien longtemps : nos personnes ne doivent être que tout à fait secondaires ; nos enfants sont l’avenir, il ne doit rester aucune tache, il ne doit planer aucune ombre, oh ! pas la plus petite, sur leurs chères têtes. Ceci doit tout dominer.

Je t’embrasse comme je t’aime, de toutes mes forces, ainsi que nos chers et adorés enfants.

Ton dévoué,

Alfred.
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Le 24 novembre 1897.
Chère Lucie,

Je t’ai écrit de bien longues lettres tous ces mois-ci, où mon cœur oppressé s’est épanché de toutes nos trop longues douleurs communes. Il est impossible aussi de se dégager toujours de son moi, de s’élever toujours au-dessus des souffrances de chaque minute ; il est impossible à tout mon être de ne pas frémir et hurler même de douleur à la pensée de tout ce que tu souffres, à la pensée de nos chers enfants, et si je me relève encore et toujours quand je tombe, c’est pour jeter le cri d’appel vibrant pour toi, pour eux.