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LE CAPITAINE DREYFUS

Bons baisers aux chéris. Je n’ose rien te souhaiter pour le jour de l’an ; cette fête ne s’accorde pas avec nos malheurs actuels.

J’ai même oublié de souhaiter la fête à ta mère pour son anniversaire de naissance ; répare, je te prie, cet oubli bien excusable dans ces tristes circonstances.

Je pense que tu auras donné des jouets aux enfants de la part de leur père. Il ne faut pas que ces jeunes âmes souffrent déjà de nos douleurs.

J’ai reçu l’encrier. Merci.

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5 heures, soir.

Le pourvoi est rejeté, comme il fallait s’y attendre. On vient de me le signifier. Demande de suite la permission de me voir.

Envoie-moi ce que je t’ai demandé, c’est-à-dire sabre, ceinturon et valise d’effets. Le supplice cruel et horrible approche, je vais l’affronter avec la dignité d’une conscience pure et tranquille. Te dire que je ne souffrirai pas, ce serait mentir, mais je n’aurai pas de défaillance.

Continuez de votre côté, sans trêve ni repos.

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1er janvier 1895.
Ma chérie

Il n’est plus dimanche, il va être lundi.

En effet, minuit sonne au moment précis où j’allume ma bougie. Je ne puis dormir ; je préfère dès lors me lever que de m’agiter dans mon lit, et quelle plus délicieuse occupation que de venir causer avec toi.