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LETTRES D’UN INNOCENT

Il me semble ainsi que tu es près de moi, comme dans ces bonnes soirées d’heureuse mémoire, pendant lesquelles tu travaillais à mes côtés, alors que moi-même j’étais assis à mon bureau.

Espérons que ce bonheur luira de nouveau pour nous. Il est impossible que la vérité ne se fasse pas jour. Je connais le caractère énergique de Mathieu ; j’ai pu apprécier le tien, ton profond dévouement, je dirais même ton héroïsme ; aussi je ne doute plus du succès de vos recherches.

Vous avez raison d’agir avec calme, avec méthode, pour aboutir plus sûrement.

D’ailleurs, j’espère causer bientôt de tout cela avec toi.

C’est à partir de maintenant que le calvaire va devenir douloureux. D’abord cette cérémonie humiliante, puis les souffrances qui suivront. Je les supporterai avec calme, avec dignité, tu peux en être assurée.

Te dire que je n’ai pas parfois des mouvements de révolte violente, ce serait mentir ; l’injustice est par trop criante ; mais j’ai foi en l’avenir et j’espère avoir ma revanche.

Je me plais alors à penser que je n’aurai plus d’autre souci que d’assurer mon bonheur, celui de nos chers enfants.

J’ai reçu une charmante lettre de Marie, à laquelle je répondrai un de ces jours.

Bon courage toujours, ma chérie, soigne bien ta santé, car tu auras besoin de toutes tes forces. Il ne faudra pas qu’elles te trahissent au moment décisif.

Bonsoir et bonne nuit.

Je t’embrasse comme je t’aime,

Alfred.
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