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LETTRES D’UN INNOCENT

sombre chagrin. Aussi me tarde-t-il d’être là-bas avec toi, ma chérie, et d’attendre dans la paix et la tranquillité que l’on me réhabilite, qu’on me rende mon honneur.

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5 janvier 1895, samedi 7 heures, soir.

Je viens d’avoir un moment de détente terrible, des pleurs entremêlés de sanglots, tout le corps secoué par la fièvre. C’est la réaction des horribles tortures de la journée, elle devait fatalement arriver ; mais, hélas, au lieu de pouvoir sangloter dans tes bras, au lieu de pouvoir m’appuyer sur toi, mes sanglots ont résonné dans le vide de ma prison.

C’est fini, haut les cœurs ! Je concentre toute mon énergie. Fort de ma conscience pure et sans tache, je me dois à ma famille, je me dois à mon nom. Je n’ai pas le droit de déserter tant qu’il me restera un souffle de vie ; je lutterai avec l’espoir prochain de voir la lumière se faire. Donc, poursuivez vos recherches. Quant à moi, la seule chose que je demande, c’est de partir au plus vite, de te retrouver là bas, de nous installer, pendant que nos amis, nos familles, s’occuperont ici de rechercher le véritable coupable, afin que nous puissions un jour rentrer dans notre chère patrie, en martyrs qui ont supporté, la plus terrible, la plus émouvante des épreuves.

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Samedi, 7 heures et demie.

C’est l’heure à laquelle il faut se coucher. Que vais-je devenir ? Que vais-je faire dans mon lit qui se compose d’une paillasse portée par des tringles de