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LETTRES D’UN INNOCENT

giner. Je te raconterai cela quelque jour, quand nous serons de nouveau réunis et heureux.

Pour le moment, je ne souhaite qu’une chose. Puisque je vous suis inutile ici, que, d’autre part, les recherches pour trouver le coupable seront, je le crains, longues, et minutieuses, c’est d’être envoyé le plus tôt possible et dans les meilleures conditions possibles là-bas, et d’y attendre avec toi que les recherches combinées de toutes nos familles aient abouti. Le régime cellulaire m’épuise beaucoup et je ne demande qu’une chose : c’est d’être expédié au plus tôt là-bas.

J’étais très navré ce matin, de n’avoir pas encore reçu de lettres. À deux heures, heureusement, M. le Directeur de la prison est venu m’apporter un paquet de bonnes lettres qui m’a bien fait plaisir ; elles ont été le rayon de joie de ma triste cellule.

Veux-tu être assez bonne pour m’envoyer une couverture de voyage ; il fait, en effet, très froid dans nos cellules.

Tâche d’obtenir le plus tôt possible la permission de me voir.

Je t’embrasse mille fois,

Alfred.

Bons baisers à ces pauvres chéris !

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7 heures du soir.

Mon Dieu ! que mon âme est triste. Qu’ai-je donc fait dans la vie pour être puni ainsi ? Le misérable qui a commis ce crime de trahir et de me perdre, mérite, s’il y a un Dieu, un châtiment épouvantable. Il mérite d’être puni dans tous les siens. Au nom de mes pauvres enfants, je le maudis.

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