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LE CAPITAINE DREYFUS

alors, ma chérie, j’oublierai tout, souffrances, tortures et affronts sanglants.

Que Dieu et la justice humaine fassent que ce jour luise bientôt !

À demain, mon adorée, le plaisir de t’embrasser. Je compte dès maintenant les heures, demain je compterai les minutes. Je t’embrasse bien fort.

Alfred.

Bons baisers à nos deux chéris. Je n’ose penser à eux. Parle-m’en. N’oublie pas de leur acheter les cadeaux promis en mon nom ; que ces jeunes âmes ne souffrent pas de nos tristesses.

Embrasse tout le monde à la maison pour moi.

————
Le 12 janvier 1895.
(Samedi, 4 heures).

Comme la demi-heure d’hier a été courte ; on prévoit d’avance l’emploi de chaque minute, afin de ne rien oublier de ce que l’on veut se dire… Puis le temps s’écoule comme dans un rêve et on s’aperçoit tout d’un coup qu’on est à la fin de l’entrevue et qu’on ne s’est presque rien dit encore.

Comment deux êtres comme nous peuvent-ils être si cruellement éprouvés ?

Te souviens-tu des projets charmants que nous avions ébauchés pour cet hiver ? Nous devions enfin profiter un peu de notre liberté, aller vers cette époque, comme deux jeunes amoureux, nous promener au pays du soleil ?… Ah ! tout cela n’est pas possible, tout ce qui se passe est inhumain. S’il y a