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LETTRES D’UN INNOCENT

but et je ne puis vous aider en rien. C’est le sentiment de mon impuissance qui me fait le plus souffrir.

J’essaie bien de lire, mais mes yeux seuls suivent les lignes, ma pensée est ailleurs.

À tout à l’heure, ma chérie, la joie de te voir.

Dans l’attente de ce moment, je tourne en rond dans ma cellule comme le lion dans sa cage.

————
1 heure.

Le temps passe lentement, les minutes sont des heures. Comment dépenser mon énergie, comment faire taire mon cœur ! Parfois la patience m’échappe. Ce ne sont ni le courage ni l’énergie qui me font défaut, tu le sais bien… ; d’ailleurs ma conscience me donne des forces surhumaines… mais c’est cette inactivité terrible, ce désir que j’aurais de vous aider pour poursuivre le but unique de ma vie, la découverte du misérable qui m’a volé mon honneur, voilà ce qui me brûle le sang. Ah, j’aimerais mieux monter tout seul à l’assaut de dix redoutes que d’être là, impuissant, inactif à attendre passivement que la vérité se découvre !

J’envie le casseur de pierres sur la grande route, absorbé dans son travail machinal.

À tout à l’heure, ma chérie. Tu me rendras de la patience.

————
3 heures.

Déjà, le temps a passé comme dans un rêve… J’avais cependant tant de choses à te dire… et puis