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LETTRES D’UN INNOCENT


Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un innocent qui ait enduré des tortures pareilles aux miennes.

Quant à toi, ma pauvre et bien aimée femme, il faut que tu gardes tout ton courage et toute ton énergie. C’est au nom de notre profond amour que je te le demande, car il faut que tu sois là pour laver mon nom de la souillure qui lui a été faite, il faut que tu sois là pour faire de nos enfants de braves et honnêtes gens. Il faut que tu sois là pour ieur dire un jour ce qu’était leur père, un brave et loyal soldat, écrasé par une fatalité épouvantable.

Aurai-je des nouvelles de toi aujourd’hui ? Quand apprendrai-je que j’aurai le plaisir et la joie de t’embrasser ? Chaque jour je l’espère, et rien ne vient égayer mon horrible martyre.

Du courage, ma chérie il t’en faut beaucoup, beaucoup, il vous en faut à tous, à nos deux familles. Vous n’avez pas le droit de vous laisser abattre, car vous avez une grande mission à remplir, quoiqu’il advienne de moi.

Embrasse tout le monde pour moi. Embrasse bien, bien fort, nos deux pauvres chéris pour moi, et toi reçois les meilleurs baisers de celui qui t’aime tant,

Alfred.
————
Le 10 février 1895.
(Dimanche.)
Ma chère Lucie,

J’ai reçu vendredi soir tes lettres jusqu’au 2 février inclus.

J’ai vu avec plaisir que vous vous portez tous bien. J’espère que tu as reçu également mes lettres.