Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/105

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« Le coq gaulois se dresse sur ses ergots. » Eh bien, mes enfants, pendant vingt-trois ans, et jusqu’à Waterloo, le coq gaulois allait rester dans cette attitude-là ! Quand la reprendra-t-il ?

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Depuis huit heures du matin, la canonnade était commencée : il était midi, et de leur position de Dommartin-la-Planchette, les troupes de Dumouriez, momentanément inutiles, considéraient avec envie les bataillons de l’armée de Kellermann, postés sur deux lignes à droite et à gauche du moulin de Valmy.

Quarante pièces de canon en batterie sur notre front tirèrent à toute volée sur l’armée prussienne, qu’on voyait distinctement rangée, en belle ordonnance, sur le plateau qui sépare la petite rivière de la Bionne de la grande route de Châlons.

Du côté des Prussiens, cinquante-cinq pièces tonnaient avec un bruit d’orage.

Soudain, une détonation plus forte que les autres retentit et le colonel Bernadieu qui, à cheval en avant des tambours de la 9e demi-brigade, examinait la marche de l’action, ne put retenir un cri d’angoisse. Puis il tendit le bras dans la direction du moulin.

Tous les regards se portèrent sur ce point.

Une violente explosion venait de jaillir au milieu des bataillons français, accumulés sur l’étroit plateau de Valmy : un obus, lancé par une batterie prussienne établie à la ferme de la Lune, venait de faire éclater trois caissons : des jets d’épaisse fumée couvrirent en un instant le moulin et enveloppèrent l’état-major de Kellermann, massé au pied du tertre, en avant de la première ligne.

Puis un grand cri s’éleva, suivi d’un profond silence ; l’artillerie française venait de suspendre son feu, et, comme par instinct, les canonniers prussiens suspendirent le leur.

Quand la fumée se fut un peu dissipée, on aperçut alors la première ligne française en désordre, reculant sur la seconde ; puis des pelotons de cavalerie apparurent, descendant la pente au galop, et les conducteurs du train d’artillerie, qui n’étaient alors que des charretiers sans discipline, se répandirent dans la plaine.