Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/326

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Thiébault avec le 14e et le 36e de ligne. Nous suivons le mouvement et nous v’là, je ne sais pas comment, à nous flanquer des coups de fusils avec les Russes qui avaient l’air de vrais sauvages avec leurs chapeaux pointus !

« Et, tout d’un coup, v’là qu’nous recevons des coups de fusil dans le dos.

« Ces coquins-là nous avaient tournés !

« Une balle traverse mon shako. Ah ! pour le coup que je me fâche !

« — Cré nom d’une pipe ! que je crie. En avant ! Vive l’empereur.

« Et v’là l’tic tac de mon intérieur qui s’arrête subito. J’allonge mes guiboles, nous fonçons dessus, on empoigne le village, et je vous assure, mon lieutenant, que le canon, les balles, et tout le fourbi, ça m’était bien égal à ce moment-là !

« Comme j’entrais dans un jardin, pan ! un coup de pistolet me part dans la figure. Il m’a pas touché, heureusement ! Il m’a seulement brûlé ma belle moustache rouge. C’était un officier russe. Alors je lui saute dessus, je l’étourdis et je le ramène au commandant Jolibois.

« Pour le restant, je ne sais pas ce qui s’est passé. On s’est battu comme des loups, et, sur la fin, l’Empereur a fait tirer sur des étangs qu’étaient gelés. Turellement ça a crevé la glace et les Russes sont tombés dedans. Quel bain froid, mon Empereur !

« Voilà, mon lieutenant, la bataille d’Austerlick que dont à laquelle je suis fier d’y avoir été, car le soir même que j’ai été nommé caporal, rapport à mon Russe qu’était à ce qu’il paraît, un colonel, et que je m’ai battu comme un lion qu’a dit le caporal de la 8e.

« Faut aussi que vous sachiez que l’adjudant Michebol, il m’a levé mes quatre jours de garde au camp. Il a bien fait puisque je ne pouvais plus les faire, attendu qu’un caporal, ça ne monte plus la garde. Bonne affaire ça, mon lieutenant, parce que la faction, par des froids pareils, c’est bon pour les autres.

« Et voilà !

« Que l’Empereur était si content qu’il nous l’a écrit dans un ordre où qu’il dit : Soldats ! je suis content de vous !

« Et moi aussi que je suis content d’avoir pas eu peur et puis d’avoir des galons que ça vous fera plaisir aussi, pas vrai, mon lieutenant ? et puis à Mme Lise, à Mme Catherine, à mon patron M. Bailly, et puis aussi à mon