Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/376

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Napoléon fit fusiller séance tenante deux des pillards, et renvoya les autres à la Prévôté sous escorte.

Quand au vieux moujik, l’Empereur lui demanda des renseignements sur le pays, et, avant de le congédier, lui fit remettre sur sa cassette une somme d’argent. Le Russe, rempli d’une stupéfaction respectueuse, s’inclina jusqu’à terre, et, s’agenouillant, baisa le pan de la légendaire redingote grise.

— Bon, Napoléon ! Bon, répétait-il.

Puis, se tournant vers Cardignac :

— Petit père ! dit-il, si jamais tu veux ma vie, prends-la ! et que Dieu te garde. Souviens-toi du vieux Fédor Moïloff et de son petit-fils Ivan. Ils sont à toi !

— Merci, mon brave ! répondit Jean Tapin pendant que le petit Ivan lui baisait la main.

Le commandant, remonté à cheval à la suite de Napoléon, avait depuis longtemps disparu derrière les sapinières, que les deux Russes étaient encore là, les yeux fixés dans la direction qu’avait prise celui, qu’on appelait Napoléon, ce demi-dieu dont la renommée avait pénétré jusque dans leur chaumière isolée, et que servaient des hommes aussi bons, aussi humains que ce bel officier, leur sauveur !

Le soir de ce même jour, Jean entrait à Wilna.

On y séjourna quelque temps pour remettre de l’ordre dans l’armée ; car ce n’était pas seulement la désertion et le manque de vivres qui avaient sévi sur nos troupes, mais des orages, accompagnés de pluies très froides, avaient apporté la dysenterie dans nos rangs.

De plus, il fallait combler les vides de la cavalerie qui, par suite de mauvaise nourriture et de surmenage avait perdu beaucoup de chevaux.

Enfin la marche reprit, toujours escortée de difficultés sans nombre. Mais elles ne purent arrêter l’élan de nos troupes que l’élite française entraînait quand même.

Apres une suite de combats heureux pour nous, les Russes s’étaient repliés. Ils avaient néanmoins montré partout ce courage et cette ténacité que nous avons admirés plus tard encore, devant Sébastopol.

Ce sont de rudes soldats que les Russes ! et l’ancienne 9e demi-brigade, le 9e de ligne qui avait été rappelé de l’Espagne, en sut quelque chose au