— C’est la fin ! murmura Grimbalet, nous sommes flambés !
Jean se retourna vers son ordonnance, et la voix rude :
— Nous sommes là pour ça !
— C’est juste, répondit simplement Grimbalet.
Une rage envahissait Cardignac à la pensée que tant de courage était vain ! que la Fatalité, était la plus forte ! que l’Empereur était… qui sait ? Mort, peut-être !
— Mes amis, cria-t-il à ce qui restait de ses grenadiers, nous mourrons ici, c’est bien entendu ?
Tous cessèrent un instant de tirer, tournèrent la tête vers leur officier, et avec de grands gestes frénétiques :
— Oui ! oui !… Vive l’Empereur !… Vive l’Empereur !
— Face en tête, alors ! ordonna Cardignac.
À chaque seconde des hommes tombaient. Le carré, d’abord formé sur deux rangs et quatre faces, n’avait plus qu’un rang de front, puis graduellement, à cause des vides, se resserra autour du drapeau et des officiers du centre.
Bientôt, ce ne fut plus qu’un petit triangle irrégulier, à peine composé de cent ou cent cinquante grenadiers, toujours calmes sous l’orage de feu, et ayant autour d’eux un rempart formé par l’amoncellement des corps de leurs camarades blessés ou tués.
On n’entendait pourtant ni un cri ni un commandement !
Depuis les généraux jusqu’au simple soldat, tous ces hommes se taisaient, emportés dans une même pensée farouche d’abnégation et de sacrifice.
Soudain la fusillade anglaise cessa, et prés de la batterie de canons, un canonnier anglais alluma un pot à feu, sorte de fusée éclairante.
Pendant les quelques instants que dura cette clarté, on put voir, rangée à cinquante mètres, l’infanterie écossaise, l’arme au pied, les canonniers près de leurs pièces, mèche allumée ; puis, en avant de cette troupe, un officier anglais, le général Maitland, s’avança après avoir fait sonner au parlementaire.
— Cessez le feu ! commanda le colonel Cardignac.
Les grenadiers obéirent, et, franchissant la courte distance qui le séparait des Français, le parlementaire s’approcha.
Les généraux Michel et Cambronne, celui-ci tête nue, les vêtements