Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/56

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défilé des Islettes, que suit aujourd’hui le chemin de fer de Verdun.

À midi, elle était campée en arrière des barricades et des abatis d’arbres qui barraient la route de Verdun, au sommet d’escarpements inabordables ; toute la journée, les volontaires travaillèrent à deux redoutes destinées à appuyer les flancs de l’armée ; personne ne pensait à la fatigue, et Jean Tapin ayant été trouvé trop petit pour manier les lourdes pioches réquisitionnées à la Chalade, passa toute la soirée à transporter des bombes à feu des caissons de l’artillerie jusqu’aux retranchements.

Le soir, lorsqu’il s’étendit tout habillé au fond de la voiture de Catherine, qui lui montrait chaque jour plus d’affection, il s’endormit harassé ; la pensée que les Prussiens n’étaient plus qu’à quelques kilomètres derrière l’épais rideau des bois de l’Argonne, n’avait pu le tenir éveillé : il eût dormi au milieu d’une batterie en action.

Pourtant, vers trois heures du matin, il se réveilla : une rumeur confuse se faisait entendre à quelque distance.

Le ronflement sonore de Belle-Rose, installé sur un lit de peaux de moutons sous la voiture même, faisait vibrer les essieux ; mais l’enfant avait l’ouïe fine ; le bruit venait de la route des Grandes-Islettes, et silencieux, il se glissa hors de sa couchette.

L’aurore allait poindre du côté de Metz ; Jean ceignit un sabre qui, trop grand, lui battait les jambes, et se dirigea du côté de la grande route.

Il devait rapporter de cette courte excursion matinale l’un des souvenirs les plus vivants de sa jeunesse !