Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/95

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Une émotion intense saisit le petit tambour.

Fallait-il les attendre ou s’enfuir ?

Ce dernier parti donnerait certainement l’éveil aux cavaliers ; ils se ditaient sans doute que ce fuyard les redoutait, qu’il avait peut-être quelque chose à cacher ; évidemment il avait chance de leur échapper en se jetant dans les taillis où ils ne pourraient le suivre avec leurs chevaux ; mais il risquait d’être obligé d’y rester jusqu’à la nuit et de perdre alors sa direction, car il ne savait pas encore s’orienter à l’aide des points cardinaux ; puis l’éveil serait donné, on le rechercherait, et de tout cela résulterait un retard pour le précieux message.

Et faisant un violent effort pour diminuer son émotion, il s’obligea à siffler un petit air pour se donner une contenance, mit ses mains dans ses poches et attendit.

Les cinq hommes arrivèrent jusqu’à lui et lui adressèrent des questions dans un langage incompréhensible pour Jean, qui, non seulement n’avait jamais appris, mais n’avait même jamais entendu l’allemand.

Il leur fit entendre par signes qu’il ne comprenait pas.

Dépité, celui des hussards qui semblait le chef parut réfléchir un instant ; puis se penchant vers l’enfant, il articula lentement, avec un fort accent tudesque :

« Foussier ? Foussier ?

— Foussier, répéta l’enfant ahuri.

— Ya ! Foussier, » répéta le hussard en secouant brutalement le bras de Jean vers lequel il s’était penché :

Tout à coup, Tapin comprit : on lui demandait la direction de Vouziers. Il fit un signe.

« Je sais, je comprends, dit-il ; vous me demandez Vouziers ?

— Ya ! ya ! répondit le hussard, en le lâchant avec un gros rire, ya ! ya ! Fouchier ! Fouchier ! »

Une réflexion rapide traversa le cerveau de l’enfant.

« Vouziers est derrière moi, juste derrière moi, pensa-t-il ; attends un peu, si tu comptes sur moi pour t’y envoyer !… »

Et montrant un sentier qui se dirigeait vers la droite :

« Là-bas ! indiqua-t-il ; là-bas ! »

On apercevait, en effet, au loin, les premières maisons d’un village.