Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/96

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Tranquillisé sur sa direction, le hussard piqua des deux, suivi de ses soldats.

En les voyant disparaître, Jean poussa un soupir long comme un jour sans pain ; craignant de rester en vue des hussards, s’il leur plaisait de revenir, il s’enfonça, par prudence, à quelques mètres sous bois, et, en suivant toutes les sinuosités de la lisière, atteignit Beaurepaire, où il retrouva avec joie des uniformes français, et sans avoir fait d’autre mauvaise rencontre.

Une heure après, il était à Grand-Pré.

Il entra comme la nuit tombait ; ayant expliqué à la première sentinelle qu’il rencontra, qu’il était porteur d’un message pour le général en chef, on le conduisit à la tente de Dumouriez.

Celui-ci avait l’air de fort mauvaise humeur. En effet, il s’était déjà rendu compte de l’échec de Chazot. Ayant entendu la canonnade, il avait immédiatement envoyé une reconnaissance qui s’était heurtée aux Prussiens, et avait rapporté la nouvelle que les Français étaient coupés de la Croix-aux-Bois.

Mais de quel côté Chazot s’était-il retiré ? Allait-il essayer, en faisant un détour, de rejoindre Grand-Pré par Sugny et Monthois, ou bien s’éloignerait-il en remontant vers le Chêne.

Le message du général Chazot le fixa sur ce point.

Il déchira le papier après l’avoir lu et le jeta rageusement à terre.

Un pli de réflexion et de colère contractait ses sourcils, et, au bout d’un long silence, il demanda à l’enfant :

« Tu es du pays, gamin ?

— Non, général, je suis tambour à la neuvième.

— Ah ! tiens, c’est vrai ! je te reconnais, maintenant. »

Et, se tournant vers Thouvenot :

— C’est notre petit homme de l’autre soir.

— Alors, continua-t-il, tu t’es déguisé pour porter cette dépêche ?

— Oui, général, c’est le colonel Bernadieu qui m’envoie.

— Eh bien ! raconte-moi ce que tu as vu. »

Jean fit le récit du premier combat, puis de la retraite, avec une netteté d’expressions qui frappa Dumouriez.

« Il est intelligent, ce petit gars-là ! » murmura-t-il.

Et s’adressant à l’enfant :