Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE IX

le retour des cendres


Donc un beau matin, à Saint-Cyr, le colonel Cardignac avait bouclé sa malle avec une hâte fébrile et retenu sa place à Paris, dans la diligence de Calais.

Toute en pleurs, Mme  Cardignac avait essayé de le dissuader une dernière fois : il avait beaucoup vieilli depuis quelque temps ; son affaiblissement était visible et, bien qu’il fît tous ses efforts pour maintenir son allure fière et sa taille droite, il se courbait à vue d’œil. — Il risquait donc de ne pas revenir de ce long et douloureux voyage : elle aussi, d’ailleurs, se sentait bien débile ; s’il avait soixante ans sonnés, elle en avait cinquante-huit et les campagnes de la Révolution et de l’Empire comptant double, c’était la vieillesse pour eux.

— Et puis enfin, répétait-elle lamentablement, Sainte-Hélène, c’est si loin !

— J’irais au bout du monde et même au delà, s’il le fallait, avait répondu le colonel. Une force plus puissante que ma volonté m’entraîne… c’est lui sans doute qui m’appelle, il me ramènera.

Après avoir tendrement embrassé sa femme, il appela auprès de lui la gentille Lucienne et le petit Pierre.

Tous deux étaient maintenant de la famille. Lucienne, avec ses dix-sept ans, était devenue une vraie jeune fille, au teint très pâle, depuis qu’il n’était plus exposé au soleil d’Afrique, aux longues nattes blondes, au caractère