Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/17

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sement sans accident ni fracture, le brick était immobile ; mais des vagues énormes embarquaient, le balayant de l’avant à l’arrière.

Le vaisseau avait touché à bâbord sur des récifs ! Et maintenant, incliné sur les roches, il offrait à la mer en furie une proie plus facile à détruire.

En effet, à chaque lame qui couvrait l’Aventure, des débris de vergue, de mâture, de filin, s’abattaient sur le pont.

Déjà trois matelots avaient été écrasés par une caronade que la mer avait balayée d’un bord à l’autre ; déjà quelques autres avaient été enlevés par les vagues et emportés dans la nuit sinistre.

Mais, au milieu de cette épouvantable catastrophe, les officiers restaient d’un calme imperturbable.

M. d’Assigny s’était lié au grand mât pour ne pas être emporté, et on put entendre sa voix dominer le fracas de la mer :

— Mes amis ! Du calme !… Le navire a touché, mais il semble grippé solidement… Attachez-vous au bordage supérieur et attendons l’accalmie !… Si les portemanteaux tiennent bon, nous nous servirons des canots quand la tempête fera trêve… De l’énergie… et surtout du calme !…

Et comme il finissait de lancer cet ordre, qui parvint nettement jusqu’à Cardignac, celui-ci vit arriver de Nessy.

L’enseigne trempé jusqu’aux os, avait dû se cramponner au bordage pour arriver jusqu’aux chasseurs.

— Ah ! s’écria-t-il, vous êtes là, Cardignac ! Dieu soit béni ! J’avais peur de ne plus vous retrouver ! Restez-y avec vos hommes, c’est la meilleure place, ou plutôt la moins mauvaise, et attendons.


C’était en effet le seul parti à prendre, et je vous laisse à penser, mes enfants, si les deux heures qu’ils passèrent ainsi, sous la tempête, parurent interminables aux chasseurs de Cardignac.

De Nessy les avait quittés pour rejoindre le commandant d’Assigny ; et l’enseigne ne reparut que lorsqu’une légère accalmie se produisit.

La mer, violente encore, était pourtant moins démontée ; la pluie avait à peu près cessé ; mais l’obscurité durait toujours, car les fanaux avaient été éteints par le vent.

Aussi fut-ce avec une véritable joie que les cavaliers virent apparaître, aux côtés de l’enseigne, un matelot portant un falot.