Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/192

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Premièrement, les gaz produits par la poudre se perdaient en partie par l’évidement existant entre la paroi de l’âme et le boulet.

Secondement, le boulet, chassé en avant, ballottait dans l’âme et sortait de la pièce avec une déviation, qui devenait considérable aux grandes distances et ôtait toute précision au tir.

C’est à ce double inconvénient que voulait remédier Jean Cardignac avec le capitaine Tamisier, qui munit le projectile d’ailettes en cuivre, et avec le commandant Treuille de Beaulieu, à qui on doit la fusée métallique qui en arme la pointe ; il fut un des premiers qui songèrent à employer la « rayure intérieure et le chargement par la culasse ».

Vous voyez qu’ils étaient dans le vrai, puisque maintenant tous les canons sont conçus et construits d’après ces principes ; mais il a fallu, comme pour toutes les découvertes, une longue période de tâtonnement. Encore est-il que, si nous avions été les premiers à posséder le canon rayé, une autre puissance, la Prusse, nous devança dans l’emploi du canon se chargeant par la culasse, puisque notre artillerie ne se décida à l’adopter qu’après la désastreuse guerre de 1870.

Il faut rendre à l’Empereur Napoléon iii cette justice, qu’au début de son règne, s’inspirant de l’exemple de son oncle, il donna tous ses soins, toute sa sollicitude à l’armée.

Lui-même, pendant que sa famille était exilée de France, avait servi comme lieutenant d’artillerie dans l’armée suisse, et s’était préoccupé de la question du canon rayé. C’est vous dire, qu’une fois empereur et disposant de puissants moyens, il s’y intéressa tout particulièrement et fut ainsi amené à se faire présenter le capitaine Cardignac.

Le jour où notre ami Jean reçut le pli qui lui enjoignait de se présenter, le surlendemain, au service de la maison militaire de l’Empereur, il fut à la fois étonné, car il ne croyait pas ses travaux aussi connus, et fort ému, car il allait voir de près le neveu du Grand Homme, dont le nom avait bercé son enfance.

Il se mit donc en grande tenue et se rendit aux Tuileries.

Immédiatement, l’officier de service l’introduisit dans le cabinet de l’Empereur.

Napoléon iii était un homme d’une grande affabilité, d’une simplicité pleine de distinction. Il avait le regard profond et doux, le masque régulier,