Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/271

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La victoire eût été bien plus complète encore si les Anglais eussent été prêts à l’heure fixée ; mais, comme l’écrivit le Maréchal de Saint-Arnaud à l’Empereur, les Anglais avaient marché pendant que les Français couraient.

Après un dernier engagement autour de la Tour du Télégraphe, l’armée russe se mit en retraite dans la direction de Sébastopol. Il était quatre heures.

— Ah ! si j’avais ma cavalerie ! s’écria le Maréchal, en les voyant disparaître.

Et jamais exclamation ne fut plus justifiée.

Car la cavalerie, qui a éclairé l’armée avant la bataille, est par excellence l’arme qui termine cette bataille, en exécutant la poursuite.

On a vu dans des retraites, celle des Prussiens après Iéna par exemple, des bataillons entiers découragés, fatigués, mettre bas les armes devant quelques cavaliers.

Cette réflexion du Maréchal, le commandant Cardignac la faisait de son côté, et il allait quitter son emplacement pour rejoindre, avec les débris de sa petite troupe, les deux pelotons intacts qu’il avait laissés à l’escorte du général en chef, lorsqu’un groupe de cavaliers déboucha au trot derrière les bataillons de la division turque.

— Les voilà !… les voilà ! crièrent les hommes.

C’étaient en effet des chasseurs d’Afrique, et Henri Cardignac s’imagina tout d’abord que le Maréchal lui envoyait le restant de son escadron pour tenter un commencement de poursuite.

Mais quand la petite troupe fut proche, il reconnut à sa tête le petit lieutenant Vautrain.

Derrière lui trottaient trente à trente-cinq cavaliers, alignés comme à la manœuvre.

La joie de Henri Cardignac fut telle, que s’il ne se fût pas retenu, il eût embrassé le lieutenant ; mais il convenait d’attendre d’abord ses explications.

— Je n’ai pu rallier plus tôt, mon commandant, dit le jeune officier, en saluant le sabre haut. Nous étions au diable… Mon brigadier prétendait que vous étiez tombé au début de la charge et nous vous avions complètement perdu de vue. J’ai été pourchassé par des cosaques pendant plusieurs kilomètres, et, après avoir rallié mes hommes une deuxième fois, j’ai dû faire un long détour pour revenir.