Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/349

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C’était l’un des officiers les plus estimés de l’armée sarde, et il devait se signaler plus tard au combat de Palestre Il serra chaleureusement les mains du jeune homme ; mais, avec une nuance d’inquiétude, il lui dit :

— En France, vous faites beaucoup de fleuret, un peu d’épée de combat et rarement du sabre… Or, c’est au sabre que la question d’aujourd’hui doit se régler et… les Autrichiens, les cavaliers surtout, sont très exercés au maniement de cette arme.

— Tout est pour le mieux, alors, mon colonel, car le sabre est aussi l’arme des chasseurs d’Afrique, et je vais essayer de vous prouver que je sais m’en servir…

— Parfait, mon jeune camarade ; votre confiance me fait plaisir, elle est un gage de succès. Un conseil seulement : méfiez-vous des coups de tête… avec du calme et de la souplesse, vous userez rapidement ce lourdaud.

Il s’interrompit, car, au tournant d’une allée, trois Autrichiens venaient d’apparaître.

Tous trois étaient en uniforme ; l’adversaire de Pierre dominait ses deux camarades de la tête : c’était vraiment un colosse, large d’épaules, aux jambes massives, aux bras énormes, et dont les coups de sabre devaient produire l’effet de coups de hache.

Adversaires et témoins se saluèrent ; puis les deux combattants mirent habit bas et l’Autrichien montra son torse énorme, aux bras velus, musclés comme un bras d’athlète, avec des veines saillantes comme des cordes, pendant qu’en face de lui, le buste d’un blanc laiteux de Pierre, vigoureusement dessiné, émergeait d’une large ceinture rouge, seul débris qui lui restât de son uniforme.

Le colonel Brignone avait apporté deux sabres ; mais le tirage au sort, pour le choix des armes, favorisa le Croate, et notre ami comprit l’importance de cette formalité lorsqu’on lui mit en main un sabre d’un poids inusité, à coquille énorme, et dont la lame massive mettait le centre de gravité très en avant de la main.

Il était visible que cette arme ne pesait pas plus qu’un fleuret ordinaire au bras du colosse autrichien et qu’elle était d’un poids anormal pour le Français.

Un deuxième tirage au sort, de nouveau défavorable à Pierre, donna à