Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

agitateur italien[1] sont plutôt des troupes de coup de main que des unités régulières. Lui-même n’est pas, à proprement parler, un général dans l’acception stratégique du mot, mais plutôt un aventurier héroïque. Il ne semble même pas devoir tenir sérieusement devant des troupes aussi fortement instruites que ces régiments prussiens.

Qu’importe ! tout effort est utile dans les moments de crise comme ceux que notre pays traverse, et il me paraît que, plus nous résisterons, plus l’histoire sera indulgente pour notre défaite.

Si nous avions fait la paix après Sedan, après Metz, quelle honte sur nos épaules, mère ! le sens-tu comme moi ? Chaque heure de lutte, après des désastres pareils, ne peut que nous relever à nos propres yeux, et, pour l’honneur du nom que père m’a laissé, il faut que, dans la deuxième partie de cette funeste guerre, la guerre contre l’Invasion, il y ait un Cardignac, comme il y en eut un à cette première invasion que termina Valmy.

Tu dois te souvenir du jour déjà lointain où père quitta Paris, accablé par la disgrâce impériale ; c’est toi qui me l’as raconté ; j’étais tout petit ; tu pleurais, et père, sans une larme, te dit d’une voix grave :

— Ne pleure pas, Valentine, et songe au proverbe :

« Fais ce que dois, advienne que pourra. »

Eh bien ! mère chérie, ce proverbe, je l’adopte, à cette heure lugubre de notre histoire. Les Cardignac n’avaient pas de devise : que celle-ci soit nôtre et puisse ma vie tenir tout entière entre ces deux mots : le devoir qu’elle m’impose et ma tendresse infinie pour toi.

georges cardignac.
Dijon, 30 novembre 1870.



  1. Garibaldi, célèbre révolutionnaire italien, avait, en 1870, obtenu du gouvernement de la Défense Nationale le commandement d’une division à l’armée des Vosges. Il avait sous ses ordres ses deux fils, Riciotti et Menotti Garibaldi.