Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/149

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avec un seul cheval. On était au 1er février. Là, pendant que les débris de l’armée de l’Est traversaient la frontière suisse pour échapper à l’armée de Manteuffel, l’arrière-garde, commandée par le brave Pallu de la Barrière et soutenue par le canon du fort de Joux, maintint les Allemands, et permit ainsi aux débris de l’armée de demander asile au petit peuple suisse, qui les reçut et les traita avec une générosité dont il faut se souvenir.

Ce furent là les derniers coups de feu de la guerre de 1870-1871.

Georges avait été laissé à Pontarlier, ainsi que le médecin militaire, son voisin de calvaire.

On les déposa dans une ambulance particulière, organisée dans leur propre maison par deux demoiselles du pays, Mlles Grandvoinet, et ce fut là seulement que Georges Cardignac sut quel était son compagnon de retraite.

C’était le docteur Cousturier !… le père de son camarade Paul.

Brisé par les fatigues de sa tâche, par un surmenage inouï et par le manque de nourriture, le malheureux médecin avait été terrassé par la maladie… Il devait, hélas ! en mourir le 5 mars suivant ! Il repose aujourd’hui dans le petit cimetière de Pontarlier.

Quant à notre ami Georges, quelques jours l’avaient remis sur pied. Sa blessure s’était en même temps cicatrisée ; aussi, le 6 février, il remercia chaudement Mlles Grandvoinet de leurs bons soins, se procura des vêtements civils, et, toujours escorté de Mohiloff, il parvint, grâce à son jeune âge, à gagner la Suisse ; puis, par Genève, il rentra en France.

Le 15 février, muni d’un laissez-passer qu’il s’était procuré, il arrivait à Dijon, et tombait dans les bras de sa mère en larmes !

Pauvre femme ! Elle avait bien payé sa dette à sa patrie ! car je renonce à vous dépeindre ses angoisses depuis Villersexel. Depuis le 9 janvier en effet elle était sans nouvelles !

Maintenant c’était fini !… bien fini, hélas ! Elle ne redoutait plus le départ de son Georges ! Elle pouvait sans crainte s’abandonner au légitime sentiment de fierté qu’elle éprouvait en contemplant ce jeune et vaillant soldat qu’était son fils !

En effet, un armistice général avait été conclu à Versailles le 25 janvier, afin de permettre aux plénipotentiaires des deux pays de préparer les bases du traité de paix.