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de Saint-Privat pour en obtenir tous les sacrifices, il se remit de nouveau courageusement au travail.

Il avait vingt ans lorsqu’il échoua pour la deuxième fois à l’École polytechnique, n’ayant rien compris à un « calcul différentiel » de l’examen, sinon qu’il ne mordrait jamais aux mathématiques pures.

— Je n’ai plus qu’une année, dit-il tristement à sa mère. Si j’échoue encore, il ne me restera plus qu’à m’engager.

Alors Mme Cardignac s’effraya : si par sa faute son Georges allait en être réduit à conquérir son épaulette en passant par le rang et à perdre ainsi plusieurs années, que de reproches elle s’adresserait !

Et combien elle regretta alors la présence du père, et les conseils de son expérience !

En 1874 donc, Georges se prépara à la fois à Polytechnique et à Saint-Cyr ; il lui fallut se remettre à certaines parties du programme de l’École Spéciale Militaire, sérieusement délaissées depuis trois ans ; mais la crainte d’échouer définitivement à l’âge fatidique le talonnait, et, un beau matin, l’Officiel lui apporta la bonne nouvelle.

Pour la troisième fois il avait échoué à l’x ; mais il entrait à Saint-Cyr dans un rang passable, et, au fond du cœur, il bénit la destinée qui, au prix de quelques mécomptes, l’avait dirigé vers son École de prédilection.

Aussi, ce matin-là, il s’était embarqué gaiement à la gare Montparnasse.

Mais en arrivant à destination, son jeune visage devint soudain grave et mélancolique ; car avant de pénétrer dans l’École, ils avaient, sa mère et lui, un touchant pèlerinage à accomplir.

Georges Cardignac était venu rarement à Saint-Cyr ; mais il savait que son grand-père y avait vécu les dernières années de sa retraite, dans la petite maison située en face de la gare. C’est là aussi que son père et son oncle, les deux fils de « Jean Tapin », avaient passé leur jeunesse ; c’est de là que son oncle Henri était parti pour l’École Militaire et son père Jean pour l’École Polytechnique ; et quand tous deux, la mère et le fils, arrivèrent devant la petite villa qui leur rappelait tant de souvenirs, ils s’abîmèrent dans leurs réflexions.

En revoyant ces lieux témoins des années de bonheur du commencement de son mariage, Valentine sentit des larmes lui monter aux yeux et s’appuya