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plus fortement sur le bras de son Georges : elle songea qu’elle n’avait plus que lui au monde et que, celui-là comme les autres, la grande famille militaire allait le lui prendre dans quelques instants.

La petite maison de Saint-Cyr lui appartenait toujours ; mais elle était louée à des officiers de l’École par les soins de Me Fontana, le digne et précieux notaire de la famille Cardignac, et, ni Valentine, ni Georges ne songèrent à y pénétrer…

Un autre pèlerinage d’ailleurs, plus sacré celui-là, les sollicitait, et pendant que la longue théorie des parents et des nouveaux élèves s’engouffrait sous la haute porte monumentale de l’École, que dominait un drapeau claquant au vent, tous deux se dirigèrent vers l’humble cimetière de Saint-Cyr. Dans un coin, ombragé de deux cyprès, un modeste monument, simplement formé d’une colonne brisée, portait cette inscription :

À la mémoire de
JEAN CARDIGNAC
Colonel du 1er régiment de la
Garde Impériale,
décédé le jour même du retour à Paris
des Cendres de l’Empereur
Napoléon Ier,
son Maître,
le 15 décembre 1840.

C’est là en effet que reposait le chef de la dynastie militaire des Cardignac.

Celui-là du moins avait vécu l’immortelle épopée qui devait immortaliser la France jusqu’à la fin des siècles : il avait parcouru en vainqueur, derrière le drapeau triomphant, toutes les capitales de l’Europe, et s’il avait vu sombrer à Waterloo le « géant historique », c’est parce que l’excès même de ses victoires avait ameuté, contre ce victorieux, vingt peuples acharnés. Il n’y avait rien que de glorieux, de merveilleux dans la chute de l’aigle, précipité des cimes éternelles.

Quelle différence entre cette fin dramatique et superbe du premier Empire et l’agonie du second, cette agonie lente et misérable à laquelle Georges venait d’assister !

La France, lassée, exténuée par vingt ans d’un héroïsme ininterrompu, avait pu tomber sans déchoir en 1815 ; pouvait-on en dire autant de la