Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

la gare des marchandises, et se déclarait enchanté d’avoir appris comment se pratique un embarquement d’hommes et de chevaux.

Nouvelle semonce de l’oncle pour cette nouvelle algarade du neveu !… Et c’était ainsi tous les jours.

Ah ! mes enfants, ce n’était pas une sinécure, croyez-le, que les fonctions d’oncle vis-à-vis d’un pareil petit diable de neveu. Mais, je vous l’ai dit, l’enfant était bon, et, ma foi ! on l’aimait tout de même. Au fond, l’oncle Henri pardonnait à Paul, en raison même des circonstances qu’on traversait alors et qui développaient outre mesure la nervosité de l’enfant.

On était en effet en pleine guerre franco-allemande (vous le savez déjà du reste, ne fût-ce qu’en raison de la date par où débute cette histoire) et, si petits que vous soyez encore, vous n’êtes pas sans avoir bien souvent entendu vos parents parler avec tristesse de cette terrible période de notre histoire.

Oui, mes enfants ! c’est une date terrible que celle-ci : 1870 ; chiffre sanglant qui désigne une des plus affreuses guerres de l’histoire générale des peuples. Mais, bien que nous y ayons été vaincus, au moins nous pouvons toujours porter haut la tête ! Le drapeau français dut reculer, c’est vrai, devant le flot envahissant des armées prussiennes ; mais ce fut pas à pas, face à l’ennemi, comme il convient à un peuple de braves ! comme il sied aux descendants de Vercingétorix, de Du Guesclin, de Bayard, de La Tour d’Auvergne et des héros des grandes époques de la Révolution et de l’Empire.

Et puis ! Disons-le hautement, car c’est une vérité aujourd’hui reconnue par tous, si la défaite s’est abattue sur nous, ce n’est point la faute des soldats ni des officiers qui commandaient les troupes d’alors ! Non !… car ils furent dignes des combattants de Valmy, de Friedland et d’Iéna ; mais le haut commandement n’avait rien prévu : l’entourage de Napoléon III, le malheureux monarque d’alors, l’avait engagé avec une frivolité inouïe dans cette guerre effroyable, sans que rien eût été préparé.


Si vous vous reportez, mes enfants, au deuxième volume[1] de cette « Histoire d’une famille de soldats », vous devez vous rappeler les premières et sinistres phases de la campagne.

  1. Filleuls de Napoléon.