Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Heureusement les brimades ne sévissaient que pendant les premiers mois qui suivaient l’arrivée, et des sujets plus sérieux allaient occuper, absorber, devrais-je dire, l’esprit et le corps de nos deux amis.

Dans aucune École, mes enfants, pareille somme de travail n’est exigée et fournie ; dans aucune, l’alternance des efforts physiques, normalement gradués, et des occupations intellectuelles n’est aussi sagement réglé. C’est même cette alternance qui, jetant l’élève à l’air frais de la campagne avant de le plonger dans la lourde atmosphère des études, et l’extrayant d’un local clos pour le faire galoper dans un manège, c’est cette alternance, dis-je, qui empêche le surmenage cérébral. Seuls succombent à ce régime les faibles de constitution ou de cerveau. Les derniers classés eux-mêmes ne peuvent s’abandonner à leur paresse naturelle : ils sont entraînés dans le mouvement général. S’ils s’y refusent, ils ont la certitude d’être « secs », c’est-à-dire de ne pas sortir officiers à la fin de leur deuxième année ; or, comme au début de la première ils se sont engagés pour cinq ans en bonne et due forme, s’ils ne sont pas officiers, ils sont soldats et envoyés comme tels dans un régiment. La perspective est terrifiante et stimule les plus paresseux : aussi, les élèves « séchés » à l’examen final de deuxième année sont rares, très rares ; le travail est la règle, acharné pour les uns, toujours soutenu pour les autres.

Mais que les premiers mois sont terribles !

Je suis bien sur de n’être démenti par aucun Saint-Cyrien en vous disant, mes enfants, que les cinq ou six mois qui s’étendent de la rentrée d’octobre jusqu’à Pâques constituent pour ceux qui parviennent à en garder un souvenir assez précis, le moment le plus dur de toute leur vie.

C’est par excellence la période de « l’affolement » ; la recrue à son arrivée est, par définition, un être « affolé ! »

Le tableau d’emploi des heures de la journée accorde, en effet, à toutes les opérations, un temps si strictement limité que tout doit se faire au galop ; et, à la différence de ce qui est exécuté hâtivement, il faut encore que tout soit bien et complètement fait.

À peine a retenti dans les couloirs, les escaliers et les dortoirs le roulement prolongé du réveil, exécuté par le tambour de garde, que de véritables hurlements, poussés par « les gradés aux recrues » se croisent en tous sens.

— Debout, les hommes ! debout !… cependant que « ces officiers », comme