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Une bonne et franche amitié, accrue par la fraternité « Brutionne », avait continué entre l’officier et le médecin militaire qui s’était, par cela même, trouvé en rapports constants avec la famille Cardignac.

Tous les ans, au cours des vacances, Pierre Bertigny venait chasser chez son ami le docteur, dans une propriété que ce dernier possédait en Touraine, près de la jolie ville de Chinon ; il amenait avec lui Georges Cardignac qui s’était ainsi lié très intimement avec Paul, son cadet d’environ deux ans, puisque Georges était né en février 1854 et Paul en novembre 1855.

C’est même la fréquentation et l’exemple de Georges qui avaient incité Paul à acquérir, dans tous les exercices du corps, une maîtrise que son ami possédait, vous le savez, à un degré exceptionnel, et qui provoquait chez le cadet une admiration sans bornes pour son aîné.

D’autre part, Pierre Bertigny, qui était originaire de la Côte-d’Or[1], avait tenu à renouer, avec son pays d’origine, d’anciennes relations, rompues par les tragiques événements de sa petite enfance. Il avait ainsi retrouvé la famille Ramblot que son père avait autrefois connue ; il avait même fait mieux : après son mariage avec Margarita, il avait acheté, en vue d’y résider plus tard, une fois l’âge de la retraite arrivé, une propriété composée d’une villa confortable et d’une ferme, qui avait nom Champ-Moron, et se trouvait située près du village de Plombières, à quelques kilomètres de Dijon.

Telle était la situation générale de nos anciennes connaissances au moment de la déclaration de la guerre de 1870.

À ce moment-là, la mère de Georges, Mme  Valentine Cardignac, était restée au Havre avec le jeune Mohiloff, et Margarita était venue la rejoindre. C’est là que le désespoir les avait saisies à la nouvelle de la mort du colonel Cardignac.

C’était une lettre — écrite en hâte par Georges, qui leur avait annoncé cette fin glorieuse… mais cette lettre était aussi la dernière que la malheureuse mère eut reçue de son fils ! car, à la suite des événements militaires qui avaient suivi Saint-Privat, les courriers avaient été interceptés.

Il est vrai que — comme je vous l’ai dit déjà — Georges, sorti sain et sauf de la fournaise de Bazeilles, avait retrouvé Pierre Bertigny sous les murs de Sedan, et tous deux avaient tenté de franchir les lignes prussiennes. Mais

  1. Filleuls de Napoléon.