— Oui, mon lieutenant ; mais à la première nouvelle des désastres, il a couru reprendre du service et.
— À vos rangs !… fixe !
Ce commandement, poussé par « Pépin », retentit dans la salle d’auberge où nous nous trouvions, et un officier supérieur, un commandant apparut.
— Le commandant Lambert[1] ! me souffla le lieutenant qui, se portant au-devant de son chef, lui rendit compte rapidement de ce qui s’était passé.
La présentation se trouvait donc toute faite, et le commandant me tendant la main :
— Monsieur Cardignac, soyez le bienvenu, dit-il ; mais comment se fait-il que, venant de Metz, vous nous arriviez ainsi en coup de vent, à travers les lignes ennemies ?
J’expliquai alors mon désir de rejoindre l’armée de Châlons ; je dis le serment fait à mon père ; je racontai mes pérégrinations, mes tribulations des jours précédents, mon passage hasardeux sur le pont de la Meuse, et à cet instant une exclamation m’interrompit.
— Mâtin de mâtin ! il est tout de même chouette, ce petit civil-là ! C’était le brave Parasol qui (je le dis sans vanité) s’enthousiasmait sur mon cas.
Les deux officiers ne purent tenir leur sérieux.
— Tu as raison ! mon brave Pépin, dit le commandant en riant. Ainsi que tu le dis d’une façon un peu familière, M. Cardignac s’est admirablement comporté ; mais cela n’a rien d’étonnant, mon garçon ! sache en effet que, depuis bientôt cent ans, tout le monde est soldat — et bon soldat — dans sa famille ! Alors, poursuivit-il, en s’adressant directement à moi, vous veniez pour vous engager ?
— Oui, mon commandant.
— C’est que vous n’avez pas l’âge réglementaire !… Il faudrait une autorisation spéciale qu’on obtiendrait sans aucun doute du commandement ; mais encore est-il qu’il faut l’obtenir. Dès demain je verrai à faire le nécessaire.
- ↑ Le commandant Lambert est aujourd’hui général, c’est lui que, dans son tableau célèbre dés « Dernières Cartouches », le grand peintre de Neuville a représenté blessé, appuyé à une armoire, dirigeant encore la défense de la fameuse maison de Bazeilles, aujourd’hui achetée par l’État et baptisée : la Maison des Dernières Cartouches.