Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/83

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Tout à l’heure tu vas voir comme tu seras à ton aise. Comme si que tu serais à la cantine… quoi !

Le brave garçon me serra la main, et il allait sans doute me donner quelques conseils pratiques de guerre, lorsqu’un ronflement épouvantable passa sur nous et notre grange trembla sur sa base !

Sous nos pieds (nous étions au premier dans une sorte de grenier ouvert), sous nos pieds, dis-je, une explosion puis un craquement venaient de se produire ! En même temps, un large morceau du mur s’écroulait dans la rue, et un trou énorme s’ouvrait dans le plancher.

Ce sont là des sensations tellement imprévues, tellement rapides, qu’on ne les analyse pas, et quand on les raconte par la suite, comme je le fais aujourd’hui, on doit se borner à constater ce qu’on a vu après, sans chercher à déduire ce qu’on a éprouvé pendant.

Eh bien ! après l’explosion de ce premier obus, nous nous sommes retrouvés, Pépin et moi, sur le foin qui garnissait notre angle ; nous n’avions pas de mal, mais un ahurissement compréhensible. Autour de nous flottait, avec de la fumée, une poussière de plâtre très fine ; nos vêtements en étaient couverts.

Au-dessous, des plaintes montaient de la brèche du plancher. C’étaient nos pauvres camarades qui étaient tombés là, pêle-mêle, au milieu de l’enchevêtrement des poutrelles.

Dehors, le tir d’artillerie continuait, souligné par la fusillade, et du côté de Sedan la bataille faisait rage.

Pépin se releva le premier et se secoua.

— Mâtin ! En v’là une gifle ! grogna-t-il. T’as rien d’démoli ?

— Non ! fis-je en me redressant à mon tour.

Et nous cherchâmes de suite à descendre pour porter secours à nos camarades d’en bas ; mais pas moyen ! plus d’escalier, il était en miettes !

Du reste, comme Pépin s’apprêtait à se laisser glisser, le lieutenant Cassaigne arriva et fit procéder au déblaiement des décombres et à l’enlèvement des blessés.

Une échelle fut apportée et l’officier monta jusqu’à nous ; il me complimenta d’un mot bref sur ma chance d’être sain et sauf ; puis après un instant d’examen :

— Parasol, ordonna-t-il, tu vas rester ici avec M. Cardignac : je vous