Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/192

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l’émotion scientifique dont je vais être privé, faute de quelques heures ?… Car cette brume va se dissiper, l’ouragan lui-même va s’en charger.

Mais nul n’écoutait plus Petersen. Les regards inquiets interrogeaient maintenant l’horizon, dont la menace était encore dissimulée par le voile impénétrable des brouillards polaires, et une activité fiévreuse empêchait le Français et l’Américain de prendre garde aux doléances du savant.

Celui-ci d’ailleurs n’attendait pas de réponse ; il était habitue à parler à la cantonade et, sans être écouté, il poursuivit :

— Comprenez-vous cette émotion ?… Cette vérification suprême et décisive de mes observations précédentes, de mes visées d’étoiles, de mes calculs de parallaxes… Certes, lorsque votre illustre compatriote Leverrier, mon cher commandant, braqua son télescope sur le point du ciel où il attendait Neptune dont il avait deviné l’existence par le calcul des perturbations d’Uranus, il n’éprouvait pas une émotion comparable à la mienne. Songez que…

— Je songe, maître, fit Georges Durtal, tout en continuant l’installation de l’appareil sauveur, je songe que vous n’avez plus que le temps de faire transporter votre appareil dans la grotte, si vous voulez qu’un jour il soit retrouvé…

— Mais mes calculs…

— Emportez-les pour les vérifier quelque autre part, si nous nous tirons de là… Mais, croyez-moi,