vous expliquer que la Christiane qui vous parle n’est plus celle qui sombrait au départ dans une terreur instinctive, qu’elle n’est même plus la Christiane d’il y a une heure ! Tout ce que cet homme vient de dire m’a retournée. Songez-y ! Un acte de volonté, et c’est vous, c’est la France, qui prend la tête de tous ces explorateurs dont il vient de citer les noms. Oh ! monsieur Durtal. Je voudrais faire passer en vous la conviction qui vient de naître en moi, de s’imposer à moi irrésistiblement… Croyez-moi, cet Américain a le sentiment du grand et du beau. Il dit vrai : jamais occasion comme celle-la n’a été offerte à un homme, à une nation…
Elle mit le doigt sur le Pôle et, étendant le bras, d’un geste large :
— Voyez-vous le retentissement qu’aurait partout cette surprenante, cette étourdissante nouvelle, tombant en France, en Europe, au moment où l’on y pense le moins : « Le drapeau français a été planté au Pôle par un officier français ! » ? Voyez-vous ces lourdes plaisanteries, qui n’ont pas dû manquer à l’étranger au lendemain de notre accident, les sots commentaires de toute sorte provoqués par la perte d’un second Patrie, tout cela s’effondrant dans une rumeur d’apothéose : « Le Patrie est au Pôle ! » ?
« Ah ! monsieur, si vous sentiez cela comme moi !… »
Et les yeux dans le lointain de son rêve, Christiane de Soignes joignit les mains.
— Je ressens tout cela comme vous, mademoi-