Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/24

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selle, fit-il, à mi-voix, lui aussi, et tout à l’heure, quand cet homme nous montrait le cercle d’inconnu se resserrant autour de l’axe du monde par la tenace volonté de navigateurs étrangers, quand il disait surtout : « Pas un nom français parmi tous ces noms de chercheurs et de héros ! » j’avais presque honte de cette constatation et je me disais : « Pourquoi pas nous ? »

— Eh bien ! vous traduisez exactement ce que je pensais au même moment. Alors, concluez comme moi : essayons ! partons !

— Mademoiselle, je le voudrais, mais tout en moi proteste. Laissez-moi vous le redire, avant tout je suis soldat ; je n’ai pas le droit — et il articula lentement cette phrase en appuyant sur le dernier mot — je n’ai pas le droit de disposer du Patrie. Devant cet argument unique, impérieux, capital, tombent tous mes enthousiasmes. J’en suis responsable vis-à-vis de mes chefs, de ce ballon, responsable, entendez-vous ? Le hasard m’en a fait le maître. Mais, dans ce coin perdu des rivages arctiques, je représente à moi seul toute la hiérarchie militaire. Je dois agir ici comme si j’étais en communication constante avec les chefs de l’armée. Or, il n’est pas douteux que, si ceux-ci pouvaient m’envoyer un ordre, ce serait celui-ci : « Ramenez le Patrie à son hangar, où il a son utilité comme engin de guerre, où il peut être indispensable demain ». Là est le devoir.

Christiane de Soignes secoua la tête.

— Non, monsieur, il n’est pas là. Vous raisonnez