Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/233

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profonde, car, si rapidement que le Patrie se vidât, quand son enveloppe serait éventrée, il pouvait être entraîné par la violence du vent vers l’un de ces gouffres et y semer ses passagers.

D’ailleurs, s’il échappait à ce danger, que serait demain ?…

Un dernier regard de sa fiancée décida le jeune homme. Il y lut la suprême confiance de Christiane en lui, et en lui seul ; il y puisa la force d’âme qui lui permettait de regarder, en face, ce nouveau péril.

Depuis qu’ils étaient partis tous deux dans le vent, le danger quotidien leur avait fait une cuirasse que l’amour avait trempée, et, ne craignant plus la mort pourvu qu’ils l’affrontassent ensemble, ils étaient mûrs pour toutes les épreuves.

Le regard de la vaillante jeune fille voulait dire :

— Soyez fort jusqu’au bout !

— En avant !… dit Georges Durtal en jetant pardessus bord le deuxième guide-rope.

Le Patrie franchit, à 600 mètres de hauteur, la frange aux découpures bleuâtres qui marquait la fin du glacier polaire. Moins d’une demi-heure après la banquise ne formait plus, à l’horizon, qu’une ligne imprécise qui, rapidement, se fondit dans des lointains de brume.

L’aérostat courait désormais entre le ciel et l’eau.

La mer était grosse, d’un bleu foncé, strié de franges mousseuses qui étaient des crêtes de vagues et des embruns glacés. Ballottés à sa surface, de