Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/256

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— Commandant, fit-il d’une voix saccadée, les yeux brillants de fièvre, écoutez-moi.

Et lui mettant dans la main le carnet qu’il n’avait pas lâché depuis le départ :

— Ceci est mon testament, fit-il… À la dernière page vous le trouverez…

Il s’interrompit pour dégager une de ses jambes et se mit debout.

— Docteur, que faites-vous ?… Prenez garde !

— Moi, fit Petersen… ma vie ne compte plus… Mieux vaut que je vous la donne !…

— Docteur… oh ! docteur !

Mais Petersen venait de lâcher son appui et, recroquevillé, rebondissant de roche en roche, il disparaissait, épave minuscule, dans le tourbillon d’écume qui battait la falaise.

Un dernier mot monta jusqu’à l’officier atterré :

— Vérité !

Et soudain délesté, le ballon, qui semblait accroché à une aspérité rocheuse et prêt à se replonger dans l’abîme, se remit à escalader la rouge paroi. Quelques instants après, il en franchissait le sommet et prenait sa course sur un plateau dénudé, pierreux, creusé de profonds ravins.

— La corde ! sir James, la corde !…

L’Américain n’avait pas attendu cet appel : d’une traction vigoureuse il avait dégagé la corde de déchirure de son anneau de sûreté et, sans effort ensuite, avait décollé à l’intérieur de l’enveloppe le large segment de soie qui ouvrait issue à l’hydrogène.