Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/26

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de faire une grande chose pour la France, ne la laissez pas passer ! » ?

Elle se tut de nouveau, ses yeux dans ceux de l’officier, et elle ne parlait plus, que Georges Durtal, profondément remué par cette voix chaude et prenante, l’écoutait encore, remplissant son regard de son idéale beauté, car Christiane était comme transfigurée. La légitime fierté de sa race se reflétait sur son beau visage et, dans sa distinction native, elle apparaissait au jeune officier comme une de ces grandes dames de la « Guerre en dentelles », qui souriaient à leurs chevaliers, en leur montrant, d’un geste gracieux, la direction du champ de bataille.

Il se sentait rapetissé à côté d’elle. Il eût voulu baiser le bas de sa robe, lui dire son admiration et tout ce qui montait en lui de chaude sympathie, de tendresse et de respect. Il eût voulu surtout céder à ses objurgations. Il en comprenait la force, la justesse, mais il se sentait comme tiré en arrière par les mots de « devoir militaire » et de « consigne », qu’on lui avait appris à respecter avant tous les autres.

La jeune fille semblait suivre sur ses traits la lutte intérieure qui le rendait silencieux. Mélancoliquement, elle reprit :

— Plus d’une fois déjà, j’ai regretté d’être femme. J’ai envié ceux qui combattent, ceux qui vont au loin, ceux qui meurent. Je me suis grisée de sport pour me donner l’illusion de l’action, mais je ne suis arrivée qu’à lasser mon corps sans rassasier