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Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/85

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— Je reviens… Tenez-vous bien.

Il l’abandonne de nouveau un instant pour consulter le baromètre. L’aiguille marquait 85. Georges Durtal détacha du bordage un sixième sac de lest, puis un septième, et les lança au dehors.

Il entrevit confusément au-dessous de la nacelle des masses blanches, tachetées d’ombres, qui s’enfuyaient à une vitesse désordonnée…

Qu’étaient ces reliefs aux formes fantomatiques ? Blocs erratiques de la plaine boréale, hummocks polaires, moraines de glace, amoncellements d’icebergs comprimés entre deux parties de la banquise ?… Nul ne le sut jamais.

Mais ce qui frappa surtout l’officier, ce fut la vue du traîneau automobile aux trois quarts détaché de ses supports par les chocs qui venaient de se produire et pendant lamentablement à deux mètres au-dessous de la nacelle, retenu par une dernière courroie.

Si ces 350 kilos se détachaient soudain, le Patrie ferait un plongeon vers les étoiles, et, au lieu de 32 à 35 degrés de froid, ses passagers feraient connaissance avec les températures extrêmes éprouvées par l’homme, 60, 65 degrés… plus peut-être.

Il revint vers Christiane. Une seule pensée emplissait son cerveau : qu’un nouveau choc se produisit, qu’elle lâchât prise, les doigts raidis par le froid, et, projetée hors de la nacelle, elle disparaîtrait dans ce désert glacé sans qu’aucun secours humain pût la sauver.