Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/10

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— Qu’y a-t-il donc, Luigi ? encore une alerte comme l’autre nuit ?

— Quelque rôdeur noir sans doute, répondit l’officier interpellé. Je vais voir…

Et dans la confusion d’une prise d’armes inopinée, des cris s’élevèrent et en un instant tout le camp fut sur pied.

Ils étaient là 2.600 hommes, une mission comme en avait rarement vu l’Afrique, et telle que l’Italie n’en avait jamais mis sur pied de semblable.

1.600 porteurs Somalis, 400 tirailleurs noirs recrutés dans le Tigre et le Choa, et 600 soldats italiens, l’élite de la garnison de Massouah, formaient cette petite armée.

La fraction combattante, 1.000 hommes environ, était encadrée d’officiers italiens.

Le colonel Vitali avait quitté Massouah treize mois auparavant.

Évitant le territoire de l’Abyssinie, plus rebelle que jamais au joug italien, il avait franchi le Nil Bleu, près de Sennaar, et le Nil Blanc, à Fachoda.

Puis, inclinant au sud-ouest, il avait rejoint le Bahr-el-Ghazal exploré par Schweinfurth, avait coupé l’itinéraire de Felkins et Wilson ; enfin la boussole et le sextant en main, il s’était lancé dans l’inconnu, dans cette région inexplorée qui sépare le Darfour de l’Oubanghi et que les peuplades des Niam-Niam appellent le Pays des Rivières.

Depuis un mois il avait franchi la lisière de la grande forêt congolaise, dans les ténèbres de laquelle Stanley s’était débattu pendant plus de six mois, et avait reconnu ainsi qu’elle étend ses sombres profondeurs jusqu’à plus de 600 kilomètres au nord de l’Arrouimi.

Et bientôt il allait toucher au but !

Il avait franchi 900 kilomètres de désert, 1.400 kilomètres, des pays arrosés par le Nil, 400 kilomètres de forêts, et dans cinq jours, cinq jours seulement, il allait parvenir au point que lui avait assigné son gouvernement, au point sur lequel l’Italie tout entière avait les yeux, aux mines d’or d’Atougha.

Car ce n’était pas à la conquête d’un nouvel empire colonial, ce n’était pas davantage à l’exploration de régions inconnues que l’Italie avait envoyé ces hardis pionniers.