Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/101

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Un instant, de Melval, songeur, les regarda ; puis sentant un voile s’étendre sur ses yeux, il s’allongea sur le sable.

— Baba ! fit-il, dans un dernier effort ; va, si tu peux encore ; va, tâche de tuer une antilope, n’importe quoi… nous boirons son sang… Oh !… boire,… boire du sang !… fit-il épuisé.

Mais l’Arabe hocha la tête ; depuis le matin, il cherchait un gibier et aucun animal n’était passé à portée de sa vue.

Dans quelle partie inhospitalière du Sahara se trouvaient-ils donc pour que rien de vivant ne s’y montrât depuis quatre jours entiers qu’il n’avait pas tiré un coup de feu ?

De Melval se couvrit la tête de son burnous et ne parla plus.

Près de lui Nedjma s’était agenouillée et avait pris sa main.

— Boire du sang répéta-t-il, en proie à cette idée fixe qu’il avait puisée dans des récits arabes, songeant à ces peuplades étranges du Tibesti qui ouvrent une veine de leur méhari pour étancher leur soif, et qui, lorsque la stupeur de la faim commence à les envahir, s’attachent fortement sur le dos de leur monture, s’en remettant à son instinct pour la découverte d’un campement.

Nedjma se releva en entendant sa plainte.

Elle prit à sa ceinture le petit « mouss »[1] qui ne la quittait jamais, releva son haïk bleu et, d’un coup rapide, sans détourner la tête, se fit une profonde entaille dans le haut du bras.

Le sang jaillit, teignant de pourpre, la peau ambrée aux fermes contours.

Elle se pencha, écartant le burnous, anxieuse qu’il refusât.

Mais elle le vit, les yeux clos, la bouche entr’ouverte, haletant, respirant avec peine, et, d’un geste adorable, elle mit entre ses lèvres la blessure écarlate.

Et son cœur fut inondé d’un bonheur infini, lorsqu’il but avidement, tout à son rêve sanglant.

Mais, soudain il ouvrit les yeux, la regarda, comprit tout ;

  1. Couteau.