Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/102

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et, secoué par une émotion inexprimable, la prit entre ses bras…

— Nedjma !… toi… Nedjma !… fit-il tout tremblant, tu as fait cela ?

— Je t’aime, Lioune, fit-elle doucement.

La soif, la fatigue, il oublia tout.

Fiévreusement, il arracha un morceau de son burnous et lui en enveloppa le bras, prit le cordon qui attachait sa boussole, et, par une ligature faite au-dessus de la blessure, arrêta l’hémorragie.

Puis il mit un baiser sur son épaule nue et, la sentant tressaillir, la serra passionnément dans ses bras.

— Oh ! Lioune ! Lioune ! fit-elle, que je suis heureuse !

Alors, de nouveau, ils s’étendirent sur le sable, attendant la fin. Elle s’était blottie contre lui, sa tête charmante sur son épaule, l’inondant des boucles folles de sa chevelure d’un noir bleu, et ils ne firent plus un mouvement.

A cet instant, il subissait cette impression étrange de l’oubli de tout. Il vivait seulement de l’heure présente, et c’était pour lui une jouissance infinie de sentir auprès de lui cette adorable créature dont tout le bonheur aurait consisté à mourir à ses côtés.

La voix intérieure qui lui avait crié à toute heure : « Christiane ! Christiane ! » qui avait décuplé ses forces pour le rapprocher de la bien-aimée de France, cette voix-là s’était tue soudain.

Quelle différence entre ces splendides créatures du désert aux vêtements bibliques, aux regards d’étoile, et ces poupées civilisées, au corps comprimé dans des fourreaux rigides, à la démarche étudiée, à la chevelure savamment apprêtée !

Qu’elle lui paraissait belle, à cette heure, la jeune Arabe, dans ce décor saharien où commençaient à danser, devant ses yeux troubles, les fantômes de l’hallucination !

Et, comme si la nature eût voulu s’associer à leurs fiançailles, le « chant des sables » se fit entendre au milieu du silence infini.

C’était comme une sonnerie vibrante et lointaine de clairons s’élevant et s’éteignant au Nord pour reprendre à l’Est, douce comme le chant des sirènes et le murmure de