Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces « Gens du Voile » étaient de noble caste, car ils portaient le « litzam » noir, le blanc étant réservé aux hommes de race inférieure.

À côté d’eux, Zahner et Hilarion buvaient avidement à une peau de bouc qu’un nègre portait sur l’épaule, et Baba, debout devant l’un d’entre eux, lui montrait le capitaine de Melval.

Un Targui se détacha du groupe, une outre de cuir à la main, humecta les lèvres des deux jeunes gens ; puis, quand ils purent boire sans danger, leur offrit du lait de chamelle aigri.

Cette boisson leur parut la plus délicieuse qu’ils eussent jamais bue ; Nedjma retrouva la force de se lever pour faire boire elle—même l’officier le premier, et, après lui, porta à sa bouche, les yeux brillants de bonheur, l’orifice qu’avaient touché ses lèvres.

Puis, les Imohagh envoyèrent, par des serviteurs, des gâteaux faits de figues et de dattes et des baies de persica pilées dans du miel, et les fugitifs mangèrent sans que leurs hôtes eussent échangé un seul mot.

Et de Melval entendit seulement Baba qui, le désignant, disait à celui qui paraissait être leur chef :

— Celui-ci est l’ami du prince Omar. Vous en répondez sur votre tête.

Il comprit alors pourquoi il était encore vivant.

— Amzigh vous fait dire de vous préparer au départ, dit le fidèle ordonnance, lorsque la faim des fugitifs fut apaisée.

— Et où nous conduit-il ? demanda le capitaine.

— À Aghadès.

— À Aghadès ? dans l’Aïr ?

— Oui.

— Mais c’est au diable !

— Oui, douze jours de méhari…

— 900 kilomètres au moins ; et pourquoi à Aghadès ? pourquoi pas à Tambouctou, dont nous ne sommes qu’à 200 kilomètres à peine ?

— Parce que le sultan doit arriver à Aghadès prochainement. Si tu n’es pas l’ami de son fils, comme tu l’as dit, tu mourras dans les plus affreux supplices pour les avoir trompés.