Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/108

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— Eh parbleu ! Omar, mon camarade de promotion, celui dont parlait Nedjma l’autre jour.

— Est-ce possible !

— Si c’est possible ! mais je suis bien sûr de ne pas me tromper, je le reconnais comme si je l’avais vu hier, et, en le revoyant, je me souviens maintenant de ce sobriquet ! oui, nous l’appellions Galette-Pacha, parce qu’il avait toujours la bourse bien garnie.

— Ça me parait tellement fort, mon capitaine, que j’ai bien peur que vous n’ayez reçu un coup de soleil sur la tête.

— Attendez, fit de Melval, vous allez voir.

Et, comme Omar venait de les dépasser de quelques pas :

— Ia[1] s’écria de Melval à pleine voix, ia, Galette-Pacha !

Déjà un Touareg s’élançait, la lance levée, pour punir l’insolent, le mot de « Galette » ne pouvait être qu’une injure aux yeux de ce barbare, alors qu’il évoque de si douces images chez les peuples civilisés.

Mais Omar s’était retourné, comme s’il eût reçu un fer de lance entre les deux épaules.

Et, stupéfait, il regarda, étonné au plus haut point, son cheval arrêté court sur les jarrets.

Quel être humain pouvait connaître ce surnom qui, après dix ans, dans ce coin perdu de l’Afrique, revenait lui sonner aux oreilles le clairon des doux souvenirs !

Mais de Melval, de son bras laissé libre, avait ouvert son burnous et montrait son dolman bleu de tirailleur.

— Eh bien ! et la promotion de Siam, tu ne t’en souviens donc plus ? fit-il en riant.

Le jeune prince leva le bras et la foule s’écarta.

Il poussa son cheval vers le groupe de Touaregs qu’entourait une foule manifestement hostile.

— Qui es-tu ? demanda-t-il en français, sans qu’un muscle de sa figure tressaillit.

— De Melval, ton camarade de promotion, deuxième compagnie ; toi tu étais de la quatrième, capitaine Bertal.

— Je me souviens, fit-il en français, mais, ici, cesse de

  1. la. Interjection arabe pour appeler : Eh !